[232d]
Aimer.
Et trouver l’équilibre. [230f]
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On se pose un instant. La faim est revenue. La soif. On en profite. On réclame un stylo. La Bible nous offre quelques pages vierges. La lettre d’amour propose de servir de pupitre. On lui préfère la tartine.
Écrire.
Offrir.
Et donner du sens aux mots.
« Mon amour,
« Nous y sommes.
« Et je ne sais toujours pas te dire que je t’aime.
« Les mots me paraissent si empreints d’une histoire qui n’est pas la nôtre, si chargés, si lourds. Et je veux être légère. Mon désir est une plume. Ton sourire est un oiseau. Nous déployons nos ailes et sous nos pieds le ciel se dérobe. Je t’aime. Tu m’aimes. On sème la moisson à venir.
« Quoi d’autre ? Je ne veux rien qui ne serait pas ce savoureux mélange de désir et de liberté, d’être et de sororité. Mon amour, protégeons-nous du monde ; pensons [°] nos plaies ; et ne laissons plus jamais nos blessures béantes. Mon amour, sourions à chaque rayon du soleil qui réchauffe, à chaque brise qui rafraîchit nos joues enflammées. Mon amour, chantons les louanges de cette vie que nous tenons au creux des paumes, à bout de bras, aussi, parfois.
« Mon amour. Donne-moi. J’ai tant à t’aimer. »
On s’arrête là. L’essentiel est dit.
On relit.
La poupée trouve cela joli. La vachette préfère dire que c’est beau. La liste est partiale, on le sait. On a fait tant de chemin ensemble. À la vie ! À la mort ! Non ! Pas tout de suite. On y retournera, mais une autre fois.
Sortir.
On y est. On y va.
Aimer.
On y croit.
— Dans ce cas, il faudrait peut-être que tu la signes, ta lettre.
Oui Judas, bien sûr que l’on signe.
« Une Bible, un dictionnaire, un poisson qui pue, un couteau suisse, une tartine, un oreiller, une couette, un tire-bouchon, une échelle, une poupée, une paire de merguez, Jacques Lacan, une tarte aux fraises, un pétard sous une boîte de champignons, une vachette, une pince, Dieu, une lettre d’amour, une corde à linge, une chaussette, une histoire, des chocolats. »
Une histoire.
Des chocolats. [232f]