[44d]
Faut-il fuir ou gagner l’enfer ? On doit y réfléchir. On a le choix entre la Bible et le dictionnaire. À ce stade, on préfère la tarte aux fraises.
21.
On résume.
Sortir.
On est là depuis combien de temps ? L’horloge du téléphone portable ne fonctionne plus. À l’odeur, on pourrait dire… On l’ignore. On n’avait pas fait d’études de thanatologie. On ne sait donc rien de la putréfaction des corps et pourtant, on affronte, la tête haute et les épaules larges, cette chair qui nous quitte. Les muscles n’ont pas l’air très entamés. Les organes se vident, l’estomac, le foie, l’intestin. On dirait que les yeux brillent toujours, surtout le gauche, celui qui a vu l’érection divine, bien qu’il pendouille un peu. Une côte a pris la tangente. Les paumons ont les alvéoles pleines d’une épaisse liqueur. Le reste tient.
Pour celles et ceux que cela intéresse, les seins, après avoir explosé, ont recouvré une certaine plasticité en dépit de la mise en orbite des tétins. Et le clitoris ? On oublie toujours le clitoris. On le néglige. Il proteste et se renfrogne. Il est un peu boudeur, de nature. Là, il semble apaisé. Il flotte sous son capuchon, comme rétracté, rétréci, serein. Il est bien au chaud. Il se repose. Cela donne envie de lui avancer une chaise longue avec un plaid tricoté main et de lui servir une orangeade. Avec ou sans paille ? Ah ! si on lichait à petites gorgées tous les clitoris du monde plutôt que de se les enfiler cul sec.
On divague. Le clitoris est mort. Le temps de la jouissance a expiré. Feu la vulve. Feu le point G. La nostalgie nous gagne. On ne doit plus y penser. Et à l’amour, on y pense ? Plus tard. À cet instant, on établit un bilan clinique. Mais l’état de l’amour, n’est-ce pas aussi de la clinique ?
Pan !
Cette fois, on a vraiment tué Lacan ; qu’il se taise à jamais. [42f] A-t-on éliminé quelque d’autre ? Un ver de Victor Hugo remonte l’œsophage et sort par l’orbite vacante. « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. » On le préfère en voyeur dans la culotte de Dieu à moins qu’il n’en porte pas ce qui enchâsserait l’œil directement entre les testicules. C’est grotesque ! Dieu n’a rien de tout ça, ni globe oculaire, ni slip, ni génitoires. Dieu n’a rien. Il est. On aime la nuance. On la voudrait pour soi. Le corps nous échappe. L’être gicle et l’on en prend plein les merguez pendant que les oreilles en pissent leur cérumen. On s’essuie le visage avec un pan du linceul. On prend la poupée sur les genoux. On lui demande ce qu’elle en pense de l’être et de l’avoir. Elle répond que tant que l’os n’aura pas libéré la moelle, on ne saura rien de la substance. Sacrée poupée ! On l’embrasse. Elle rougit. On s’arrête là. Il y a plus urgent que de la coiffer et de lui changer sa robe.
Sortir. C’est de plus en plus compliqué.
On se concentre.
On passe la rate. On chatouille le pancréas puis on tâte le cœur d’un pied de l’échelle. La texture est bonne, plus élastique que celle du foie. Une bonne purée décorée d’un brin de persil irait bien avec ça. Le cerveau peut faire l’affaire. Il résiste. Il ne veut pas finir en bouillie comme si le corps était mort par choc frontal. Les neurones se tiennent encore par le synapse et, pour le coup, c’est un peu de beurre qu’il faudrait pour le passer à la poêle.
22.
On résume.
Sortir.
Non. Aimer. Sortir viendra tout seul quand la chair aura fondu à moins qu’il n’existe une issue dont on ignore encore la voie. On caresse la joue de la poupée. Cela avive le souvenir. Aimer. On aime depuis combien de temps ? On l’ignore. On n’avait pas fait d’études de cardiologie. On coupe à l’atout. Et on danse. On a soufflé de la salive dans le logement du jack. La musique est revenue. On se laisse bercer par la mélodie.
Aimer. Et l’on songe à une berceuse.
Ce doit être à cause de la poupée. On l’assoit sur la boîte de champignons et on l’envoie au ciel. Elle fera un bon messager. On rit ! On chante ! On danse ! On Sent qu’il y a quelque chose qui cloche. La joie est feinte. [44f]